- SAFAVIDES
- SAFAVIDESC’est en imposant à des populations iraniennes un sh 稜‘isme modéré qu’ils ne professaient point que les Safavides parvinrent à soustraire à la domination ottomane les régions qui constituent l’Iran moderne. Toute division au sein des États musulmans ne pouvant alors profiter qu’aux visées colonialistes des grandes puissances, que serait aujourd’hui la carte politique des régions s’étendant entre l’Inde et la Turquie si la lente montée du sh 稜‘isme dans la vaste aire turco-iranienne (Inde moghole comprise) n’avait été artificiellement accélérée puis circonscrite dans d’étroites frontières? Quel fut le prix pour l’Iran de cette «troisième phase de la domination turkmène»? Comment, vidé de son élite, l’Ispahan du XVIIe siècle put-il faire illusion aux voyageurs européens? La documentation accessible ne permet de répondre que partiellement à ces questions.Du dervichisme au militantisme politiqueAprès le choc porté à l’ancienne culture irano-musulmane par les invasions mongoles et t 稜m rides, ce sont les confréries mystiques ( レar 稜qa ル f 稜 ) qui, tout en constituant un refuge contre les abus du pouvoir, fournissent aux populations locales l’essentiel de leur formation idéologique. Qu’elles soient d’obédience sunnite ou sh 稜‘ite, ces レar 稜qa vénèrent à divers degrés ‘Al 稜, dont certaines se réclament; un autre point commun est leur contamination par glissement vers le sh 稜‘isme au cours du XVe siècle. Au début du XIVe siècle, le shaykh プaf 稜 al-d 稜n Is ム q (1242-1334) fonda à Ardab 稜l (Azerbaïdjan) la レar 稜qa ルafaw 稜 (face="EU Dodot" ルafawide ou séfévide). La prétendue origine ‘alide et la prétendue confession sh 稜‘ite des ancêtres des Séfévides sont des falsifications tardives, cette famille étant de souche iranienne (probablement kurde) et de confession sunnite. Après s’être consolidée sous プadr al-d 稜n M s (1334-1391), la レar 稜qa prospéra en jouissant de la faveur des souverains (Tamerlan, Uzun ネasan). Elle se militarisa sous Djunayd (1447-1460) et ネaydar (1460-1488) qui, bien que sh 稜‘ites extrémistes, contractèrent des mariages avec les Moutons-Blancs d’obédience sunnite. Ils furent tués tous deux au Sh 稜rw n en allant combattre des infidèles (chrétiens du Caucase ou sunnites); le sang de ces martyrs renforça l’esprit de cohésion de la レar 稜qa . L’alliance des Moutons-Blancs avec le roi de Sh 稜rw n avait permis la défaite de ネaydar; craignant une revanche, les Moutons-Blancs emprisonnèrent ses fils. Relâché sous condition, ‘Al 稜 se révolta et fut tué. Son jeune frère Ism ‘ 稜l, caché au G 稜l n par ses partisans, maintint un contact étroit avec ses sectateurs et rallia de nombreux adeptes en Asie Mineure.L’État sh size=5稜‘ite et ses voisinsLe moment venu, après avoir réglé son compte au roi de Sh 稜rw n, Ism ‘ 稜l livra aux Moutons-Blancs la bataille de Shar r (1501) qui lui ouvrit Tabr 稜z où il prit le titre de sh h et fit proclamer le sh 稜‘isme duodécimain; durant dix ans, il s’employa à conquérir l’Iran et l’Irak et à y imposer la nouvelle confession. La réaction des pouvoirs sunnites ottomans et özbeks fixa bientôt la Perse sh 稜‘ite dans ses frontières. L’État fondé par Ism ‘ 稜l Ier (1501-1524) était une théocratie s’appuyant sur les Qizilbash (littéralement «têtes rouges», terme à sens ethnique et religieux, allusion au t dj , le bonnet rouge à douze plis, symbole des douze im ns, dont ネaydar avait institué le port). Appartenant aux tribus turkmènes qui avaient permis la prise du pouvoir, ils étaient regroupés en une organisation supertribale et liés au sh h par une double allégeance politique et religieuse. Malgré son caractère subversif, on chercherait en vain dans le mouvement safavide un programme social ou gouvernemental. Parvenu au pouvoir, Ism ‘ 稜l Ier s’y maintint en distribuant des fiefs militaires et en éliminant les Qizilbash trop influents; les notables de l’Iran (seyyeds et aristocrates ayant parfois servi les Moutons-Blancs) s’infiltrèrent dans l’administration, provoquant le ressentiment des Qizilbash. Âgé de dix ans à son accession au trône, ヘahm sp Ier (1524-1576) fut sous la tutelle des émirs qizilbash jusqu’en 1533. Tabr 稜z ayant été occupée à maintes reprises par les Ottomans, il négocia la paix d’Amasya (1555) et transféra la capitale à Qazw 稜n. Venus en grande partie de pays arabes, des juristes im mites (les mudjtahid ) furent chargés de codifier la religion nationale et d’intensifier sa propagation. Des éléments caucasiens capturés au cours de campagnes allaient bientôt compliquer les luttes de factions. Ism ‘ 稜l II (1576-1577), dont la mère était qizilbash, voulut restaurer le sunnisme et fit tuer ou aveugler ses rivaux. Les Qizilbash l’éliminèrent et mirent en place Mu ムammad Khud banda (1578-1587) qui, presque aveugle, fut manœuvré par sa femme iranienne bientôt tuée par les Qizilbash. Également placé au pouvoir par une faction turkmène, ‘Abb s Ier mit fin à cette phase de domination qizilbash. Malgré les succès militaires et les réalisations prestigieuses de son règne (1587-1629), les signes de déclin ne tardent pas à se manifester. Cette décadence est en partie imputable à la pratique qu’il inaugura de confiner les princes dans le harem. Sh h プaf 稜 (1629-1642), ivrogne et cruel, fit périr, outre des gens de sa famille, des chefs civils et militaires de valeur; les Moghols prirent Qandah r, les Turcs Baghd d. Le traité de Zuh b (1639) ayant suspendu les hostilités avec les Turcs, il trouva les fonds nécessaires au maintien de l’armée en accroissant les domaines de la couronne au détriment des gouvernorats. Accéléré par ‘Abb s II (1642-1666), ce processus entraîna le mécontentement des populations accablées d’impôts et affaiblit militairement les provinces; bien qu’ayant repris Qandah r aux Moghols (1648), il entreprit trop tard de réorganiser l’armée. Affable et peu guerrier, Sulaym n (1666-1694) eut la chance que les Turcs aient été trop occupés à l’ouest pour l’attaquer. Son règne inaugura une période de persécutions contre les chrétiens et les juifs, qui s’étendirent, sous Sh h Sul レ n ネusayn (1694-1722), aux zoroastriens, aux sunnites et aux ル f 稜s extrémistes.Au début du XVIIIe siècle, la Perse faisait encore figure de grande puissance et semblait davantage menacée par les im ms de Mascate que par ses ennemis traditionnels. Le danger vint des Afghans sunnites irrités par l’intolérance du régime. Après avoir trahi la confiance du sh h et éliminé le gouverneur géorgien nouvellement appointé, M 稜r Ways (chef d’un clan ghilzay, Turcs afghanisés) se révolta à Qandah r où il se maintint jusqu’à sa mort (1715). D’autres tribus afghanes se soulevèrent et la bataille de Goln b d (1722) ouvrit Ispahan aux troupes de Ma ムm d, fils de M 稜r Ways; après un terrible siège de six mois, le sh h remit la capitale et la couronne à Ma ムm d (1722-1725). Profitant du chaos, Russes et Ottomans rivalisèrent d’ardeur pour s’emparer de territoires. Malgré la personnalité d’Ashraf (1725-1729), les Afghans ne contrôlèrent qu’Ispahan et le sud du pays. Nadr Qul 稜 Beg, condottiere du Khur s n, les chassa et mit en place ヘahm sp II (1729-1732), puis ‘Abb s III (1732-1736). Bien que sunnite, Nadr Qul 稜 Beg fut proclamé sh h sous le nom de N dir Sh h (1736-1747) après avoir repris aux Turcs et aux Russes les provinces perdues.Vie socio-économique et culturelleBien qu’ayant conservé des habitudes nomades, les Safavides encouragent le développement de la vie sédentaire (agriculture, commerce, artisanat); les tribus se confédèrent (Bakhtiy r 稜, Qashqay). Dans les villes, au factionnalisme entre rites sunnites se substituent les luttes de factions sh 稜‘ites regroupées en organisations corporatives. Une dichotomie existe entre sh 稜‘ites et sunnites, et les minorités qui ont tant contribué à la grandeur de la dynastie sont de plus en plus persécutées. Cette société disparate est en partie unifiée dans ses comportements (interprétés par certains comme l’expression de la renaissance d’un sentiment iranien national et racial). La montée des Safavides coïncide avec la découverte de la route du Cap. Au XVIe siècle, les Portugais monopolisent le commerce dans le golfe Persique. Au XVIIe siècle, Anglais et Hollandais établissent en Perse fabriques et comptoirs commerçant avec l’Europe et l’Inde. Continuateurs de la politique étrangère des Moutons-Blancs, les Safavides reçoivent non seulement d’Europe mais aussi d’Orient des ambassades de plus en plus nombreuses. Inaugurées sous ‘Abb s Ier, les relations franco-persanes amènent l’établissement de missions (Capucins, Carmes, Jésuites). Malgré l’échange d’ambassades et la signature de deux traités, la tentative d’implantation de la Compagnie des Indes orientales est un échec. C’est néanmoins aux voyageurs français que l’on doit les meilleures descriptions de la Perse au XVIIe siècle.L’opinion associant la période safavide à une renaissance culturelle iranienne culminant sous ‘Abb s Ier est à réviser; l’Europe influence de plus en plus cette culture en déclin et la littérature classique brille surtout en Inde où l’arrivée de poètes persans avec les troupes envoyées par ヘahm sp Ier pour restaurer le fugitif Hum y n est une vraie invasion culturelle. Mais, si ces rois turcophones négligent les belles-lettres et encouragent la composition de traités sh 稜‘ites en arabe, ils favorisent aussi l’éclosion d’une littérature de caractère populaire. Hors du cadre de la théologie officielle, l’école d’Ispahan opère un renouveau en théosophie sh 稜‘ite. Parmi les productions de prestige, l’architecture, la peinture et l’art du tapis gardent leur éclat. La tourmente de l’invasion afghane brisa la brillante enveloppe de cette civilisation et jeta la société iranienne dans une profonde décadence; le XVIIIe siècle, si fécond en Europe, est la période la plus sombre de l’histoire culturelle de l’Iran.
Encyclopédie Universelle. 2012.